Une nouvelle routine pour la famille, t’es sûre chérie ?

Si j’avais à évoquer la première action que nous avons prises collectivement, Compagne, Grande Fille, Garçon et moi pour faire face à la vie en situation de pandémie, je dirai « planning » ou « routine » ou peu importe comment vous l’appelez du moment qu’il y a des heures d’un côté et des activités d’un autre.

Il faut dire que question routine, nous sommes pas mal experts, en particulier parce que Garçon est un adepte et les respecte à la lettre. Cela nous a beaucoup servi dans la vie d’avant. Vous savez, cette vie où les enfants devaient respecter un horaire du matin, soit quitter la maison dans notre cas à 7h50 pour l’un et 8h05 pour l’autre.

Grande fille a sa propre manière de fonctionner, propre à l’adolescence. Il faut éviter de nous inquiéter pour elle et la laisser gérer au mieux ce défi du matin, dit notre psy.

Pour Garçon, avant la découverte des routines, c’était une toute autre affaire puisque nous passions notre temps après lui, regardant anxieusement l’horloge de la cuisine, lui disant qu’il ne restait que quelques minutes pour finir de manger, puis, le suivant presque à la trace, pour s’assurer qu’il prendrait le temps (mais pas trop !!) de se brosser les dents. Il fallait aussi calculer le temps nécessaire à l’habillement pré-sortie en hiver etc… Tout cela nous mettait pas mal à cran dès le matin. Puis Compagne nous a fait découvrir les vertus des routines clairement définies et des applications mobiles qui s’y dédient. Brili par exemple, est celle que nous avons utilisée pendant plusieurs mois pour rendre Garçon autonome à respecter sa propre routine et ce fut pour nous un game changer, nous permettant de retrouver la bonne humeur du matin.

Si ça vous tente d’explorer, je vous la partage : https://brili.com mais il y en a sûrement d’autres.

Comment les animaux gèrent leur temps ?

La gestion du temps est un sujet chaud en cette période de télé-travail où chaque minute est presque comptée… et c’est à ce moment que Compagne et moi nous sommes souvenus de nos parcours universitaires en Biologie. Chez les animaux, chaque espèce peut-être caractérisée par son « budget-temps », c’est à dire le temps qu’elle passe à réaliser les différentes tâches nécessaires à sa survie. Et elles adaptent ce budget-temps aux circonstances.

Prenons le chat… Saviez-vous que le budget temps d’un chat d’intérieur, qui peut sortir, est globalement : 60% dodo, 20% d’observation, 16% de déplacement et 4% de jeu. Ils vont s’alimenter 9 fois par jour, boire 4, aller à la litière 5, faire des griffades 1, se frotter sur quelque chose 1/2, et se toiletter 5 fois par jour. S’il ne peut pas sortir, il se réajuste et dort un petit peu plus (63% du temps), se déplace un peu moins (12%) mais joue 2 fois plus (8%). Il va manger plus souvent (12 fois/j) et boire plus souvent (10 fois/j), aller à la litière un peu plus souvent (6) et se toiletter presque 2 fois plus (9 fois par jour)1. Le paresseux, quant à lui, dort 15 à 20h par jour en captivité alors qu’il ne dort que 8 à 9h par jour à l’état sauvage… Fascinant quand même de voir que les animaux vont changer leur budget temps pour mieux s’adapter au confinement… Et c’est bien là que les animaux devraient nous inspirer puisque nous devons nous aussi nous adapter à ce nouveau mode de vie en changeant notre budget-temps. Après tout, Charles Darwin nous a rappelés, il y a 150 ans, que nous étions aussi des animaux…

La chronémique, un mot bien étrange…

Dans le domaine de la communication non verbale, la chronémique est la manière dont nous percevons et nous structurons le temps. En Amérique du Nord, nous sommes très conscients du temps, voire obsédés par le temps. Combien d’horloges avez-vous dans votre maison ? Pour ma part, j’ai croisé 5 fois un appareil qui m’indiquait l’heure (radio-réveil, horloge du micro-onde, horloge de mon four, horloge de la cuisine, et mon cellulaire) avant même d’avoir bu la première gorgée de mon café, pourtant vitale dans mon cas ! Dans notre langage au quotidien, le temps est omniprésent : « Non, Garçon, je n’ai vraiment pas le temps de me lancer avec toi dans une bataille de nerfs ce matin », « Oui, Grande Fille, on va prévoir un jeu de société en famille en fin de journée… mais à ton avis ça va prendre combien de temps ? ». J’ai même un ami entrepreneur qui m’a fait prendre conscience de ce qu’il appelle « la valeur temps » pour optimiser chaque action que je fais !!! On est rendu là…

Évidemment la conscience du temps dépend de la culture, et je me souviens que ce que nous avons le plus apprécié du premier voyage que Compagne et moi avons fait, au Laos, ça a été cette phrase que les laotiens nous ont dit, dès que nous avons débarqué du train de Nhong Kai qui nous menait de Bangkok à Vientiane : « Vous savez, ici, nous sommes encore maîtres du temps »… Même si le temps des voyages semble quelque peu différé en ces temps de sédentarité forcée, je crois qu’il faut se donner le choix de gérer notre temps, de le baliser, d’une autre manière aujourd’hui, et surtout de s’affranchir d’une pression inutile.

Quand un prix Nobel s’en mêle

Enfin, dernièrement, j’ai eu à faire une petite recherche bibliographique sur la mesure du bonheur, ou comme les chercheurs aiment l’appeler, le bien-être subjectif. Je suis alors tombé sur les travaux d’un prix Nobel d’Économie 2002, Daniel Kahneman. Ce grand monsieur a mis au point une méthode pour mesurer la quantité d’expérience émotionnelle positive ou négative que nous vivons, « the day reconstruction method ». En appliquant cette méthode à plus de 200 personnes, il a montré que la manière dont nous utilisons notre temps prédit notre bonheur2,3 ! Il a par exemple illustré que ce qui nous rendait le plus heureux étaient les 5@7 après le travail, et ce qui nous rendait le plus malheureux étaient d’être pris dans le traffic (…). Ce que nous dit cette étude, c’est surtout que nous avons chacun la clef de notre bien-être en cette période d’adaptation, et qu’il ne tient qu’à nous de mettre à l’agenda ces moments qui nous font du bien. De plus, passer du temps dans le traffic semble s’être pas mal réduit dans nos emplois du temps, profitons-en pour le remplacer par autre chose de plus positif !

Tout ça pour ça…

Toutes ces informations justifient pourquoi notre première action a été de mettre en place une nouvelle routine (et ici, je dois être honnête, cette première action était une initiative de Compagne).

Cette routine a été décidée collectivement pour respecter les besoins de chacun. Elle répond à notre obsession du temps mais laisse de la place pour des activités plaisir. Elle est évidemment différente de celle que nous avons en temps normal car à l’instar des animaux il a fallu adapter notre horaire à une vie en confinement. Elle structure notre vie, et point essentiel elle évite que nous nous culpabilisions du temps que nous passons chacun à nos affaires.

Je vous partage donc cet horaire (bas de page) qui fonctionne pour nous. À vous de faire le vôtre si vous êtes comme nous, des chronémiques chroniques en quête de bien-être dans cet espace-temps si étrange…

Je vous joins également un petit lien de ce que le CIUSSS de l’Est de l’île de Montréal a mis en place pour les enfants, ça dépanne aussi même si Garçon est à moitié content que son emploi du temps se peuple aussi vite !

https://ciusss-estmtl.gouv.qc.ca/activites-virtuelles-faire-avec-les-enfants?fbclid=IwAR3Rb-tQVuiZWil9b1iwR_KJpW57rwVBOnLXRsji5aJvhjgzwDZS6uM_In4

    1. https://oatao.univ-toulouse.fr/6311/1/baguet_6311.pdf
    2. Kahneman, D., Krueger, A.B., Schkade, D.A., Schwarz, N., Stone, A.A., 2004. A Survey Method for Characterizing Daily Life Experience: The Day Reconstruction Method. Science 306, 1776–1780.
    3. Kahneman, D., Krueger, A.B., 2006. Developments in the Measurement of Subjective Well-Being. Journal of Economic Perspectives 20, 3–24.